Communications - Sur une hypothèse du corps-mémoire
Contribution au Séminaire théorique du GIREP - Mai 1988
Ce n’est pas à proprement parler de psychosomatique qu’il sera traité ici, mais du jeu de la mémoire avec le ressenti corporel, sans s’aventurer dans le discours nosologique, il n’est pas exclu que la psychosomatique ait tout de même à voir avec ce jeu.
De la cuirasse à la mémoire
La partie de l’œuvre reichienne, qui conduit à l’analyse caractérielle et va donner plus tard la bioénergie, fut réalisée en confrontation avec les travaux de Freud.
Pour Reich, le caractère s’élabore au cours de la première enfance. C’est d’abord un mécanisme de protection narcissique, ensemble de traits défensifs organisés de façon intriquée et superposée, en véritable cuirasse destiner à lier une certaine quantité d’angoisse. C’est la cuirasse caractérielle. Elle constitue un obstacle au traitement de la névrose, car elle joue un rôle de prison autant que de protection. “Étant donné que le caractère névrotique a établi un certain équilibre, fut-il névrosé, par la mise en place de la cuirasse, l’analyse apparaît comme un danger menaçant précisément cet équilibre.” (1)
Reich observe que la cuirasse caractérielle se double d’un ensemble d’attitudes musculaires permanentes et découvre que cet ensemble est structuré comme la cuirasse caractérielle et assure une fonction similaire : il l’appelle la cuirasse musculaire.
Le sujet, pour tenter de se préserver des conflits, développe une certaine rigidité psychique et corporelle, comme s’il s’habillait d’une cuirasse, psychosomatique, construite de l’enchevêtrement des raideurs caractérielles et musculaires.
“Le concept d’identité fonctionnelle que je dus introduire signifiait strictement que les attitudes musculaires et caractérielles servent la même fonction dans l’appareil psychique. Elles peuvent s’influencer et se remplacer réciproquement. À la base, elles ne sauraient être séparées, dans leur fonction, elles sont identiques.” (2)
Cuirasses caractérielle et musculaire sont donc plus qu’interdépendantes, elles sont fonctionnellement identiques et indiquent des rapports psyché/soma. Les rigidités musculaires ne sont pas des manifestations accompagnant les mécanismes de refoulement, elles sont la partie somatique du refoulement et la base de son maintien.
La réduction des tensions musculaires chroniques favorise, d’une part, l’émergence du flux végétatif jusqu’alors endigué et provoque, d’autre part, le surgissement des souvenirs liés aux événements traumatisants.
“Toute rigidité musculaire contient l’histoire et la signification de son origine (…) La cuirasse est la forme sous laquelle l’expérience infantile continue d’exister.” (3)
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