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A mordir debout
Déchetterie
Il n'était point accoutumé aux décharges illicites, aux charrois clandestins, aux boucheries ethniques, aux empoisonnements anonymes, aux pollutions insidieuses, aux radiations rampantes ou explosives, aux chimies et bactériologies sous le manteau et autres productions délétères.
Ses parents ne l'avaient pas élevé en cela qui devait lui être venu d'ailleurs. Ce foisonnement de rognures, fabriquées en masse par une civilisation du copeau résiduel, avait envahi son environnement, lui avait pris la tête, imprimé les circuits neuronaux, intégré les méninges. Ce prurit sanguignolent et putride, entre arachnoïde et pie-mère, le taraudait du dedans. Ce mince voile transparent, qui enveloppe directement le cerveau et la moelle épinière, le démangeait sans cesse.
Ainsi la mort était devenue sa grande affaire. Pas seulement la mort. Tout ce qui pouvait y mener. En premier lieu, la vie.
Tous ses écrits pulsaient la camarde, de près ou de loin. De façon subreptice la plupart du temps, à son insu même. A défaut d'attendre une émergence d'ordre du chaos, il mettait tout au chaos, en bon obsessionnel. Rituels typologiques, fichiers informatiques, ordre alphabétique, diverses entrées, cache pour casses, labyrinthe à poubelles et fosses communes.
Son petit carnet de notes ne le quittait jamais où il notait toutes ses observations dans quelque sens qu'elles se présentassent. Il progressait par catégorie dans son approche d'anéantissement : agonies, altérations, afaiblissements, amputations, avaries, cabossages, clamsages, corrosions, corruptions, débris, décompositions, dégradations, démences, dénaturations, dépravations, dépressions, destructions, détérorations, détraquages, détritus, dézingages, érosions, falsifications, frelatages, handicaps, indispositions, paralysies, pathologies, perforations, perversions, pollutions, pourrissements, putrescences, sénilités, truquages, vertiges, violations... etc. etc.
C'est en vendant cette pulsion de mort qu'il réussit à vivre.
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